C'était il y a 80 ans, jour pour jour. Le 18 décembre 1923, Ernest Felt, le doyen des hommes du village effectuait son premier poste dans l'entreprise Houillères de Sarre et Moselle.
Le certificat d'études en poche, le jeune Ernest Felt fait ses premiers pas aux Houillères de Sarre et Moselle, au bureau des matricules comme aide-employé de bureau. Quelques années plus tard, l'attrait d'un meilleur salaire le décide à travailler au fond de la mine. « Au bureau, raconte Ernest, je touchais 6 francs par jour et tous les copains du fond gagnaient, eux, 9 francs. Il fallait se lever à 3 h du matin pour prendre, au tout début, le train de Puttelange à Farschviller et on rentrait l'après-midi vers 16 h chez soi. On était donc absent près de 13 heures du domicile, samedi compris. »
Et de poursuivre: « Après la suppression du train, c'est en vélo que l'on se rendait à Farschviller, par tous les temps. Nous rangions nos bicyclettes chez un habitant, près de la gare. C'était les dernières maisons de Loupershouse. Et il fallait payer pour cela. » Ernest, que tous appellent "Pépé Felt" aujourd'hui, laissait son vélo chez les Hasdenteufel. Ce fut un soulagement et une réelle amélioration des conditions de transport lorsque fut mise en place la ligne de bus jusqu'à la gare de Farschviller.
Du fond au jour : Les salaires n'étaient pas « terribles ». Jusqu'en 1963 et au-delà, lorsque l'heure de la retraite sonne, Ernest fait vivre sa famille en tenant avec son épouse un petit train de culture, en complément. « En aucun cas, je n'aurais accepté que mes fils descendent au fond de la mine. C'était un métier éprouvant, très dangereux, avec tous les problèmes de santé que cela générait, surtout à cette époque... » C'était Germinal, on travaillait au pic et à la pelle. La mécanisation des chantiers n'est apparue que bien des années plus tard.
Pépé Felt a terminé sa carrière au jour, au service chemin de fer comme conducteur de loco, sans accident... Sa longue et difficile carrière fut marquée par beaucoup d'événements cruels et celui qui a particulièrement marqué sa mémoire fut la chute de la cage au puits Reumaux en 1925 et qui fit 56 morts. Les épouses et proches des victimes criaient leur désespoir devant le siège, « certaines allaient jusqu'à s'arracher les cheveux », se souvient-il encore avec émotion.
Maintenant encore, Ernest est bouleversé lorsqu'il évoque son grand ami Pierre Ditsch qui a perdu la vie au fond. Ce sont des souvenirs, de lointains souvenirs, mais même aujourd'hui il éprouve de l'amertume et regrette que son père l'ait laissé "descendre au fond".